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Carla Adra, publié dans le catalogue du 66ème Salon de Montrouge, Eva Barois De Caevel, 2022

Carla Adra est née en 1993. Elle vit et travaille en Île-de-France. Elle est diplômée de l’École supérieure d’art et de design de Reims.

Pour le dire simplement et sans détours, la pratique de Carla Adra est une pratique touchante, une pratique qui touche, une pratique qui me touche. D’ailleurs c’est véritablement une pratique du contact, de la continuité (contiguïté ?) des corps, de l’incorporation et de la redistribution des vécus – et finalement une pratique dont la matière est ce qui la touche, elle, l’artiste. L’art de Carla Adra est un art qui touche ailleurs que là d’où elle vient, que là où elle est, que là d’où elle parle – je m’inspire du somptueux sous-titre de la pièce de Lazare – Rabah Robert – Touche ailleurs que là où tu es né – publiée aux Solitaires intempestifs en 2013.

À Lyon, Carla s’est attelée en 2019 à un vaste « bureau des pleurs » : le recueil, auprès de 300 personnes, du récit de ce qu’ils et elles ont perçu comme une injustice personnellement subie. Carla a mangé ces récits, elle les a gravés sur disque pour une postérité anonyme, puis elle les a simplement redits, en y mettant toute son empathie. En résidence à La Galerie à Noisy-Le-Sec, Carla présentait récemment l’exposition « Paroles chaudes », un titre sensuel et sérieusement drôle, ou drôlement sérieux, comme tout son travail. Cette exposition est l’issue d’un travail de six mois à nouer des relations entre un groupe de jeunes adultes et d’encadrantes d’un centre médico-éducatif de Noisy et l’équipe du centre d’art. Des histoires à propos de soi ont été partagées et sont devenues des capes mentales, qui sont aussi des objets et des œuvres. Vêtu de ces capes, le groupe a partagé un peu de ce qui s’était produit pendant cette année passée ensemble, dans un bureau du centre administratif de la mairie de Noisy. En somme, c’est un art de la relation et de la situation que déploie Adra, qui se pare au cours du processus de formes malicieuses, dérisoires ou spectaculaires, rappelant les costumes Dada (réalisés par Sonia Delaunay) du Cœur à Gaz de Tristan Tzara ou ceux de la lecture de Karawane par Hugo Ball.

La pratique de Carla est tournée vers les gens, toujours, mais tout autant vers les lieux et les situations : le structurel. La donne d’une résidence, d’un post-diplôme, d’un format de travail quel qu’il soit pour l’artiste, devient la question de Carla : que peut-on faire se rencontrer dans ces formats, que peut-on faire de ces formats ? Il y a un point de départ, mais ça va surtout là où il est possible d’aller avec qui sont ces personnes et ces situations qu’on rencontre, qu’on découvre, qu’on prend le temps de comprendre. Les vastes pièces vivantes, mobiles et immobiles, visibles et invisibles de Carla Adra naissent de ce moment où l’on voit ce qu’on peut mutuellement s’apporter (pas juste prendre et ramener du côté de l’art contemporain et de ses commerces). Ce n’est pas un art qui violente ou qui s’approprie, qui se sert puis qui illustre. C’est, par contre, une espèce d’art total où les formes n’émergent que de ce qui est toujours une organisation d’individus qui se retrouvent à devoir travailler ensemble.
Si le développement personnel est l’une des déclinaisons sournoises du capitalisme, alors l’art de Carla Adra en est un antidote. Si le vivre ensemble est devenu la formule passe-partout d’une polis dépolitisée, alors l’art de Carla Adra est ce qui lui redonne sens et conscience, hors de tout cynisme. Ici il s’agirait plutôt de faire du bien à chacun et chacune par le geste en commun.

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