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POST it #02, Carla ADRA, entretien réalisé par Leila Couradin, octobre 2020

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POST
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est une micro-édition indépendante qui donne la parole aux artistes lié•e•s à la région Grand Est. Initié en 2020 par Leïla Couradin, Chloé Godefroy (critiques d’art) et Anaëlle Rambaud (artiste), POST it soutient la jeune création contemporaine et propose aux artistes de réaliser une carte originale, glissée entre ses pages.


Qui es-tu, d’où viens-tu, tu fais quoi dans la vie ?


Je m’appelle Carla Adra, je suis née en 1993 à Toronto, au Canada. Ma mère est franco-argentine et mon père est libanais. Ma famille étant installée un peu partout et issue de plusieurs cultures différentes, j’ai beaucoup voyagé, donc je n’ai pas l’impression d’appartenir à un seul pays. Je viens donc de « là » mais j’ai surtout grandi à Paris.
« Qui es-tu » est une question très compliquée, c’est LA question à laquelle je suis confrontée dans mon travail. Je crois en effet que c’est une question fondamentale qui nécessite d’aller chercher la réponse individuellement, avec l’aide des autres, notamment lorsqu’on pratique une activité artistique. Dans mon travail, je tente de transmettre des messages, des choses que j’ai apprises ou comprises. Je cherche à remplir des manques, à être à l’écoute des autres, à créer du lien.
Je fais des expositions, des performances, des sculptures à travers lesquelles j’essaie de faire sentir aux publics des réalités qui me semblent importantes et parfois moins visibles, peu mises en valeur.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire de l’art ?


J’ai presque envie de transformer la question : « qui m’a donné envie de faire de l’art ? »
La musique est très présente dans ma famille, une grande sensibilité est donc admise. Les différentes femmes auprès desquelles j’ai grandi sont créatives et très attentives à la notion de beauté. Mon arrière-grand-mère argentine était peintre, elle me faisait peindre dans son atelier, je trouvais ça magnifique. Ma grand-mère libanaise travaillait dans la haute couture, elle m’émerveillait avec les paillettes, les tissus, les décorations. Ma grand-mère française aimait la nature, j’étais admirative de l’intensité qu’elle mettait dans le soin de ses plantes, de son jardin. Ma mère est aussi très manuelle et sensible aux détails, elle m’a emmenée voir de nombreuses expositions lorsque j’étais enfant.
Cette question me rappelle aussi une anecdote qui m’a vraiment marquée. Enfant, j’ai fait un dessin à l’école, en recopiant l’image et la légende d’un livre. La maîtresse m’a demandé si j’avais vraiment écrit et dessiné ce soleil, j’ai dit oui. J’ai fait le tour de toutes les salles avec mon dessin, et j’ai eu une impression d’existence très forte, c’était un moment de fierté, de reconnaissance. C’est ce qui peut se passer quand on fait quelque chose qui touche vraiment quelqu’un, c’est très fort. C’est assez proche du salut à la fin d’une pièce de théâtre, un instant que je trouve particulièrement beau. Ce qui m’amuse avec cette anecdote c’est que c’est dans la copie de quelque chose que j’ai pu procurer cette émotion. J’ai gardé cela dans mon travail. Certaines de mes rencontres tout au long de mon parcours m’ont aussi donné envie de faire de l’art. À l’école Boule (une école d’arts appliqués), une professeure m’a demandé ce que je faisais là, pour elle je devais faire une école d’art. C’est comme ça que je suis allée à l’ESAD (École Supérieure d’Art et de Design) de Reims, d’abord en option design végétal ; je voulais être designer, j’avais l’impression que c’était un « vrai métier ». Au fur et à mesure de mes projets, certains échanges au sein de l’école (avec Cécile Le Talec, Véronique Pintelon et Rozenn Canevet) m’ont poussée à choisir la section art. À ce moment de mes études elles avaient l’air de mieux savoir que moi, donc je leur ai fait confiance, et elles avaient raison ! Ensuite, Giuseppe Gabellone, artiste et professeur à l’ESAD, m’a aidée à poser les bases fondamentales de mon travail sculptural. Il m’a appris à regarder et à comprendre une certaine beauté intérieure qui émane des formes. Agnès Thurnaueur m’a poussée à dessiner, j’ai eu le sentiment d’avoir une véritable connexion avec cette artiste, avec qui j’ai aussi parlé de psychanalyse, ça a été un vrai déclic, tout comme ma rencontre avec Anne Kawala, qui m’a incitée à me tourner vers la performance notamment. Je crois que ce sont toutes ces rencontres qui m’ont donné envie de faire de l’art.

Qu’est-ce qui t’a déjà donné envie d’arrêter de faire de l’art ?


Je n’ai jamais eu envie d’arrêter.
J’ai fait une pause pendant mes études, au moment où je ne savais plus si je voulais faire de l’art contemporain ou du théâtre. Les choses me semblaient aller beaucoup trop vite, j’ai eu mon Diplôme National d’Arts Plastiques à 19 ans, et la suite logique était de se lancer dans un mémoire de master. À ce moment-là je faisais de la performance mais je ne savais pas vraiment ce que c’était, je crois que j’ai eu besoin de prendre un peu de recul. J’ai donc fait une année d’anthropologie à l’université, et je suis partie au Mexique.
Mais pendant cette année je me suis rendu compte que je ne pouvais pas m’empêcher de créer. Je disais que je ne croyais pas en l’objectivité de l’anthropologie, j’avais toujours envie de donner mon point de vue. Or quand on est anthropologue on ne doit pas créer. La transition a été rude entre une école d’art avec une liberté totale et une discipline beaucoup plus académique, scientifique. Pendant la période que j’ai passée au Mexique j’ai fait un film « malgré moi », j’avais l’impression de ne pas avoir le choix (ce qui n’est pas toujours très agréable).

Quelles sont les oeuvres que tu regardes ?


J’ai du mal à répondre à cette question. Je crois que je regarde tout, mais peut-être particulièrement la peinture et la performance. La notion de temporalité m’intéresse particulièrement dans la peinture. On peut rester quelques minutes, ou beaucoup plus longuement devant une toile et se laisser progressivement envahir par l’émotion, parfois jusqu’aux larmes. L’effet que la peinture produit sur nous n’est pas du tout le même en fonction du temps que l’on passe à la regarder.
J’ai lu beaucoup de documentation sur des performances, mais j’en ai vu très peu (je pense à celles que je considère comme étant de « vraies » performances, pendant lesquelles il n’y a pas de limite avec le spectateur). J’ai vu celles de Tino Sehgal au Palais de Tokyo (2016), où le rapport avec le visiteur était direct, ou The Mending Project de Lee Mingwei pour qui j’ai travaillé à la Biennale de Venise en 2017. C’est un type d’art dont je me sens très proche ; j’ai l’impression que le meilleur moyen d’attraper les gens et de leur transmettre quelque chose c’est la performance.

Quelles sont les oeuvres que tu ne regardes pas ?


Dans une expo collective, les oeuvres que je ne regarde pas sont celles qui sont noyées dans l’espace. Par exemple, lorsque je travaillais à la Biennale de Venise à l’Arsenal, je crois que j’ai mis un mois à « voir » les oeuvres. Celles qui retiennent mon attention, et c’est presque malheureux, ce sont les vidéos parce que ce médium nous contraint à s’assoir et à regarder ; notre corps nous l’oblige. Le reste du temps on passe parfois trop vite, on s’approche d’une forme ou d’une autre parce qu’on est sensible à une couleur, une fragilité, une forme de discrétion.
Mais de manière générale, je me demande toujours ce qui fait que cet•te artiste est exposé•e là. Même si c’est un travail qui m’intéresse peu, il est quand même là sous mes yeux, il réussit à être exposé, je passe donc parfois à côté de choses qui marchent.
Je pense tout de suite à la première exposition que j’ai vu toute seule, j’avais 14 ans, à la Fondation Cartier : c’était une exposition des peintures de David Lynch. C’est peut-être le fait d’avoir visité cette exposition seule, mais il s’est passé quelque chose de très fort pour moi. Ses peintures sont à la fois presque violentes, et en même temps très enfantines, c’est presque cruel tout en étant vrai. Cette exposition m’a fait beaucoup de bien, elle m’a vraiment parlé.
Je pense aussi aux peintures de Mark Rothko. J’ai déjà fait cette expérience de rester longuement devant l’une de ses toiles et de me mettre à pleurer. Sa technique de strates de couleurs produit une profondeur immense et suscite des émotions très fortes chez moi.
Je lis en ce moment Voyages en Alaska (2009) de John Muir, c’est un récit de voyage au nord du Canada qui me fait rêver en ce moment. J’aimerais beaucoup y aller, voir la neige à perte de vue… La façon dont l’auteur écrit est vraiment très touchante et très tendre.
J’ai relu récemment le journal de Mireille Havet, qui date de 1918-1919, c’était une amie d’Apollinaire, elle y parle de sa vie, de son homosexualité, de son amour pour les stupéfiants. Elle était très libre, c’est vraiment remarquable pour l’époque.
J’ai aussi envie de citer Virginia Woolf, qui a été un énorme déclic pour moi, c’est aussi une madeleine de Proust ! Les Vagues (1931) est un livre qui m’a tellement bouleversé, que j’ai voulu en faire une performance. J’aurais voulu lire ce livre en entier sur la plage, adressée à la mer.
Je lis aussi Rudolf Steiner, L’Art éducatif, l’imagination créatrice dans l’enseignement (1923). C’est un anthropo-physicien presque fou, qui mélange plusieurs pensées sur le cosmos, la nature, l’éducation… C’est universaliste, philosophique et un peu ésotérique, c’est sa pensée du monde et une étude sur l’être humain.

Quelles sont les autres disciplines qui nourrissent ta pratique ?


La musique fait véritablement partie de ma pratique. J’ai l’impression d’en être entourée, ma mère faisait du violon, mon frère est chanteur lyrique et compositeur de musique électronique. J’ai fait de la guitare classique pendant presque dix ans, j’écrivais mes chansons, et je pense que la musique a vraiment été le point d’entrée vers l’art pour moi. J’ai commencé le théâtre à 11 ans, ça m’a aussi beaucoup inspirée, ainsi que l’écriture et la lecture qui accompagnent ma pratique. Ma grand-mère m’avait dit enfant : quand tu sauras lire, tu pourras entrer dans les livres. Ça me faisait rêver !
Les voyages, le fait d’être toujours très en mouvement, c’est aussi très important dans mon travail. Cet été je suis résidente à la Cité internationale des arts à Paris et j’ai vraiment l’impression que c’est la première fois que je reviens à Paris depuis 10 ans. J’ai le sentiment d’avoir besoin d’être toujours ailleurs, presque sans avoir le choix. La stabilité pouvait presque créer chez moi des angoisses. Mais tout ça, c’est aussi compliqué parce que dans un voyage on arrive et on repart, c’est parfois difficile de construire quelque chose.

Dans quel environnement et comment est-ce que tu te mets au travail ?


Pour chaque médium, pour chaque technique, j’ai besoin d’un cadre approprié. Les environnements sont donc très différents. L’un de mes lieux de travail est mon atelier, chez moi, qui est très stable, mais dans lequel je vais avoir tendance à un peu mouliner… Pour écrire par exemple j’ai besoin d’être entourée de livres, d’avoir un tableau sur lequel j’écris des mots, et lorsque je travaille le son avec mon frère je loue un studio, une salle blanche. Pour réaliser la pièce Bureau des pleurs2, cette fois-ci j’ai travaillé dehors, dans les parcs, pour aller à la rencontre des gens. Le cadre de travail que je m’impose devient donc aussi un cadre de vie. Parfois j’ai besoin d’aller faire du sport, ou de faire une balade intuitive pour me mettre dans un mood, un état modifié de conscience.

Sur quoi tu travailles en ce moment ?


Je veux écrire. J’ai vraiment commencé à écrire pendant le confinement (qui pour le coup était le cadre idéal !). J’aimerais écrire sur le Bureau des pleurs, sur l’expérience humaine d’être allée à la rencontre de parfait•e•s inconnu•e•s dans la rue pour entamer avec eux•elles une discussion introspective. En commençant à écrire sur cette expérience, je me suis rendu compte que ce texte parlait plus généralement de mon rapport à l’art de façon assez personnelle, et j’ai l’impression que ce texte a besoin d’être adressé pour être transmis. Je ne sais pas encore quelle forme cela prendra mais j’ai vraiment ce désir personnel de poursuivre ce projet, de me donner le temps de le faire.

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édition



EN

POST it #02, Carla ADRA, interview by Leila Couradin, October 2020


POST
it
is an independent micro-edition that gives a voice to artists linked to the Grand Est region. Initiated in 2020 by Leïla Couradin, Chloé Godefroy (art critics) and Anaëlle Rambaud (artist), POST
it
supports young contemporary creation and proposes to artists to create an original card, slipped between its pages.

Who are you, where do you come from, what do you do in life?


My name is Carla Adra, I was born in 1993 in Toronto, Canada. My mother is Franco-Argentinean and my father is Lebanese. My family being settled all over the world and coming from many different cultures, I have travelled a lot, so I don't feel like I belong to one country. So I come from "there" but I grew up in Paris. "Who are you" is a very complicated question, it's THE question I'm confronted with in my work. I believe that it is a fundamental question that needs to be answered individually, with the help of others, especially when one practices an artistic activity. In my work, I try to convey messages, things that I have learned or understood. I try to fill in gaps, to listen to others, to create a bond.
I make exhibitions, performances, sculptures through which I try to make the public feel realities that seem important to me and sometimes less visible, little emphasized.

What made you want to make art?


I almost feel like transforming the question: "who made me want to make art? »
Music is very present in my family, a great sensitivity is therefore admitted. The different women I grew up with are creative and very attentive to the notion of beauty. My great-grandmother from Argentina was a painter, she had me paint in her studio, I thought it was beautiful. My Lebanese grandmother worked in haute couture, she amazed me with the sequins, the fabrics, the decorations. My French grandmother loved nature, I admired the intensity that she put in the care of her plants, of her garden. My mother is also very manual and sensitive to details, she took me to see many exhibitions when I was a child.7
This question also reminds me of an anecdote that really struck me. As a child, I made a drawing at school, copying the image and caption from a book. The teacher asked me if I had really written and drawn this sun, I said yes. I went around all the rooms with my drawing, and I had a very strong impression of existence, it was a moment of pride, of recognition. That's what can happen when you do something that really touches someone, it's very strong. It's quite close to salvation at the end of a play, a moment that I find particularly beautiful. What amuses me with this anecdote is that it's in the copy of something that I was able to provide this emotion. I've kept that in my work. Some of my encounters throughout my career have also made me want to make art. At Boule School (an applied arts school), a teacher asked me what I was doing there, for her I had to go to art school. That's how I went to ESAD (École Supérieure d'Art et de Design) in Reims, first in the plant design option; I wanted to be a designer, I felt it was a "real job". As my projects progressed, some exchanges within the school (with Cécile Le Talec, Véronique Pintelon and Rozenn Canevet) pushed me to choose the art section. At that point in my studies they seemed to know better than I did, so I trusted them, and they were right! Then, Giuseppe Gabellone, artist and professor at ESAD, helped me to lay the fundamental foundations of my sculptural work. He taught me to look at and understand a certain inner beauty that emanates from the forms. Agnès Thurnaueur pushed me to draw, I felt I had a real connection with this artist, with whom I also talked about psychoanalysis, it was a real trigger, as was my meeting with Anne Kawala, which encouraged me to turn to performance in particular. I think it was all these encounters that made me want to make art.

What has ever made you want to stop making art?


I've never wanted to stop.
I took a break during my studies, when I didn't know whether I wanted to do contemporary art or theater. Things seemed to be going much too fast, I got my National Diploma in Plastic Arts at the age of 19, and the logical next step was to do a master's thesis. At that time I was doing performance but I didn't really know what it was, I think I needed to take a step back. So I did a year of anthropology at university, and I went to Mexico.
But during that year I realized that I couldn't help but create. I said that I didn't believe in the objectivity of anthropology, I always wanted to give my point of view. But when you are an anthropologist you should not create. It was a difficult transition from an art school with total freedom to a much more academic, scientific discipline. During the time I spent in Mexico I made a film "in spite of myself", I felt I had no choice (which is not always very pleasant).

What works are you looking at?


I have difficulty answering this question. I think I look at everything, but maybe especially painting and performance. The notion of temporality interests me particularly in painting. One can stay a few minutes, or much longer in front of a canvas and let oneself be gradually overwhelmed by emotion, sometimes to tears. The effect that painting produces on us is not at all the same depending on the time we spend looking at it.
I've read a lot of literature about performances, but I've seen very few (I think about those I consider "real" performances, during which there is no limit with the spectator). I have seen those of Tino Sehgal at the Palais de Tokyo (2016), where the relationship with the visitor was direct, or The Mending Project by Lee Mingwei for whom I worked at the Venice Biennale in 2017. It's a type of art that I feel very close to; I feel that the best way to catch people and convey something to them is through performance.

What are the works you don't watch?


In a collective exhibition, the works I don't look at are the ones that are drowned in space. For example, when I was working at the Venice Biennale at the Arsenal, I think it took me a month to "see" the works. The ones that catch my attention, and it's almost unfortunate, are the videos because this medium forces us to sit and look; our bodies force us to do so. The rest of the time we sometimes pass too quickly, we approach one form or another because we are sensitive to a color, a fragility, a form of discretion.
But generally speaking, I always wonder what makes this artist exposed there. Even if it's a work that doesn't interest me much, it's still there before my eyes, it manages to be exposed, so I sometimes miss things that work.
I immediately think of the first exhibition I saw on my own, when I was 14, at the Fondation Cartier: it was an exhibition of David Lynch's paintings. It may have been the fact of having visited this exhibition alone, but something very strong happened to me. His paintings are at the same time almost violent, and at the same time very childish, it's almost cruel while being true. This exhibition did me a lot of good, it really spoke to me.
I also think of Mark Rothko's paintings. I've already had the experience of standing in front of one of his paintings for a long time and crying. His technique of layers of colors produces immense depth and arouses very strong emotions in me.
I am currently reading Voyages en Alaska (2009) by John Muir, it is a story of a trip to the north of Canada that makes me dream at the moment. I would love to go there and see the snow as far as the eye can see... The way the author writes is really very touching and tender.
I recently reread Mireille Havet's diary, which dates from 1918-1919, she was a friend of Apollinaire, she talks about her life, her homosexuality, her love for drugs. She was very free, it's really remarkable for the time.
I also want to quote Virginia Woolf, which was a huge trigger for me, it's also a Proust madeleine! Les Vagues (1931) is a book that moved me so much that I wanted to make it a performance. I would have liked to read this book in its entirety on the beach, addressed to the sea.
I also read Rudolf Steiner, L'Art éducatif, l'imagination créatrice dans l'enseignement (1923). He is an almost mad anthropo-physician, who mixes several thoughts about the cosmos, nature, education... It is universalist, philosophical and a bit esoteric, it is his thought of the world and a study of the human being.

What are the other disciplines that nourish your practice?


Music is really part of my practice. I feel like I'm surrounded by it, my mother played the violin, my brother is a lyric singer and composer of electronic music. I played classical guitar for almost ten years, I wrote my songs, and I think music has really been the entry point to art for me.
I started acting at the age of 11, it also inspired me a lot, as well as the writing and reading that goes with it. My grandmother told me as a child: when you can read, you can get into books. It made me dream!
Travelling, always being on the move, is also very important in my work. This summer I'm a resident at the Cité internationale des arts in Paris and I really feel like this is the first time I've come back to Paris in 10 years. I feel like I need to always be somewhere else, almost without having a choice. The stability could almost create anxiety for me. But all this is also complicated because in a trip you arrive and leave, it's sometimes difficult to build something.

In what environment and how do you get to work?


For each medium, for each technique, I need an appropriate framework. So the environments are very different. One of my work places is my studio at home, which is very stable, but in which I tend to grind a little bit... To write for example I need to be surrounded by books, to have a board on which I write words, and when I work on sound with my brother I rent a studio, a clean room. This time I worked outdoors, in parks, to meet people, to create the piece Bureau des pleurs2. The framework that I set for myself becomes a framework for living. Sometimes I need to go to the gym, or take an intuitive walk to put myself in a mood, a modified state of consciousness.

What are you working on right now?


I want to write. I really started to write during the confinement (which was the perfect setting for it!). I'd like to write about the Crying Bureau, about the human experience of meeting complete strangers on the street and having an introspective discussion with them. As I began writing about this experience, I realized that this text spoke more generally about my relationship to art in a rather personal way, and I feel that this text needs to be addressed in order to be transmitted. I don't know yet what form it will take, but I really have this personal desire to pursue this project, to give myself the time to do it.

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